"El moli del Xic", le moulin foulon d'Ayguatébia-Talau

J'étais autrefois un vaillant petit moulin

Depuis plus de cent ans, on m’avait oublié. J’avais bien travaillé ; puis le temps avait eu raison de moi. Seul, le petit canal qui dévale rapidement la pente à travers le village me tenait compagnie.

En 2001, un petit groupe d’amis est venu rôder sur le chemin de « les basses ». Je les ai entendus parler de réhabilitation….

Moi..., « el moli del Chic », démoli en 1902 ! C’était un peu fou !
Que savaient-ils de moi ? Même les plus anciens ne m’avaient jamais vu fonctionner !

Alors, pour eux comme pour moi, commençait La Grande Aventure …..

Certains sont partis visiter des moulin: à foulon, à papier, des forges. Ils ont passé des heures aux archives pour retrouver mes propriétaires : les familles Surjous, et ont découvert mon frère aîné, le moulin exploité par les Tronyo pendant plusieurs siècles, en amont du canal.

Puis, des étudiants ont pataugé dans l’eau froide de novembre pour recalculer les forces, dimensionner la roue, les marteaux. Des lycéens ont fabriqué les godets, les menuisiers ont construit le portique, la roue. Un architecte a dessiné le bâtiment. Oh ! Rien de bien ambitieux, un « badiu » en quelque sorte !

Tous se sont mis au travail.

Et le financement ? ça, c’est une autre histoire.

Mais ils ont tenu bon, les enthousiastes, les sceptiques, les timides. Que de moments de doutes, de joies, de rebondissements…!

Finalement, les pelleteuses sont arrivées, les maçons ont tracé, creusé, consolidé ; je leur ai donné bien du souci ! Petit à petit, les murs de pierres, la solide charpente en pin de la forêt communale et le toit recouvert de jolies lloses me donne fière allure. Sans parler de la roue qui chante joliment au son du torrent qui dévale la pente.

Et, quelle fête le jour de l'inauguration ! Tout revêtu des couleurs catalanes, au son du flaviol et du tambourin on a apposé sur ma porte mon nom "Moli Del XIC" ( xic : petit) mais vaillant !

Oh, je ne foulerai pas des mètres et des mètres de toiles tissées au village, mais je serai le témoin d’un passé florissant, quand tisserands, bergers, agriculteurs, forgerons ...vivaient dans la vallée.

C’est à eux que l’on pense lorsque ma roue reprend sa chanson :

« Là-haut sur la montagne...se dresse à nouveau le moulin ! »